
La ruée vers les abysses
Des milliers de submersibles sillonnent les grands fonds autour des câbles de télécommunications, à la recherche de minerais, de nouvelles espèces, de nouveaux médicaments… Les abysses sont devenus stratégiques.
C’était le royaume des monstres, l’impénétrable territoire des dents acérées, des tentacules menaçants, des divinités sévères, des extraterrestres agressifs – c’est là que nichait Godzilla, avant d’être réveillé par les essais nucléaires japonais. C’était le lieu caché le plus inaccessible. Tout nous tenait à distance de cette zone immense, oppressante, obscure, glaciale, irrespirable… Pourtant aujourd’hui, l’abysse effraie de moins en moins, et suscite même un sentiment tout autre : la convoitise. À l’heure où vous lisez ces lignes, drones, planeurs sous-marins, submersibles et navires équipés de sondeurs sillonnent par milliers les sept mers du globe, avec tous leurs instruments braqués vers les profondeurs. D’abord le très médiatique projet Seabed 2030, qui prévoit d’achever sa cartographie complète des grands fonds d’ici à cinq ans. Une tâche titanesque, sachant que seuls 6 % avaient été répertoriés lors de son lancement en 2017. Plus largement encore, du militaire à l’industriel, du chef d’État au scientifique, tout le monde se tourne vers les fonds marins. “Alors que l’on imaginait jusque-là un milieu plutôt morne et sans grand intérêt, on y découvre de plus en plus d’activités biologiques, géologiques, océanologiques, décrit Christophe Basile, de l’Institut des sciences de la Terre à Grenoble. C’est un environnement où presque tout reste à découvrir.”