
Le triomphe du poulpe
Il a conquis nos imaginaires et fascine les scientifiques. Rencontre avec le vrai roi des abysses.
“Devant mes yeux s’agitait un monstre horrible. Il marchait à reculons avec une extrême vélocité dans la direction du Nautilus. Ses huit bras, ou plutôt ses huit pieds, implantés sur sa tête, qui ont valu à ces animaux le nom de céphalopodes, avaient un développement double de son corps et se tordaient comme la chevelure des Furies.” En 1870, dans 20 000 lieues sous les mers, Jules Verne fait pleinement entrer le poulpe dans l’imaginaire collectif. Neuf ans plus tôt, un navire avait croisé la route d’un calmar de plusieurs mètres et rapporté un morceau de tentacule : la preuve de l’existence de ces céphalopodes géants qui hantaient depuis des siècles les légendes scandinaves et les récits de marins. L’écrivain va donner du poulpe – qu’il confond allègrement avec un calmar – une image qui va fixer pendant plus d’un siècle ce mollusque dans un rôle de monstre – le kraken – surgissant des profondeurs pour engloutir navires et équipages.
Quatre ans avant lui, Victor Hugo s’était déjà emparé de cette figure monstrueuse, la popularisant sous le nom de “pieuvre”. “Si l’épouvante est un but, la pieuvre est un chef-d’œuvre”, cingle l’écrivain, qui se plaît à décrire toute l’horreur ressentie par le pêcheur Gilliatt, en plongée au large de Guernesey, qui affronte l’animal au corps fantasmatique.