Espace-temps : pourquoi les physiciens n’y comprennent rien

C’est la matrice de notre réalité. La toile de fond, le substrat de notre monde. L’espace est sans doute l’un des concepts les plus essentiels de la physique. Un objet étudié depuis des siècles, pour lequel les modèles se sont succédé au fil des convictions philosophiques et théoriques, et des surprises expérimentales de celles et ceux qui le scrutaient. “Il y a d’abord eu l’espace selon Newton, complètement statique, raconte David Andriot, directeur de recherche au CNRS au Laboratoire d’Annecy de physique théorique. Puis l’espace-temps relativiste d’Einstein, dynamique. Ensuite sont nées la cosmologie et la foule de théories différentes de l’espace-temps qui en ont découlé.” Chaque étape de cette quête a eu son lot de conséquences conceptuelles étonnantes, de prédictions fertiles. Pourtant, plus ils étudient la notion d’espace, plus les interrogations abondent. Longtemps, l’espace n’a été que le simple théâtre des événements de la physique – et le temps une notion complètement distincte permettant d’étiqueter ces événements. “Chez Newton, le concept d’espace est nommé, mais n’a aucune propriété”, insiste Jérôme Perez, professeur de physique à l’ENSTA, à Paris. Tout bascule avec le constat révolutionnaire des mathématiciens Lagrange et Poisson au début du XIX^e siècle : toute force dérive d’une notion plus fondamentale appelée “potentiel”. “Or ces potentiels peuvent être vus comme des propriétés de l’espace lui-même !, s’exclame Jérôme Perez. On découvre à ce moment-là que l’espace réagit à une stimulation : quand on place une masse en un point, cela crée un potentiel gravitationnel autour.” L’espace devient un concept dynamique…