Le triomphe des corbeaux

Un triomphe ? Drôle de titre… Normalement, personne ne s’attend à lire un seul mot positif ou enthousiaste sur ces oiseaux de mauvais augure. Dans la presse régionale, les témoignages récents de passants terrorisés ou d’agriculteurs en colère semblent tout droit sortis d’un film d’horreur à la Hitchcock. Reconnaissons-le : il est difficile de ne pas frémir en présence de leur silhouette ténébreuse, de leur croassement lugubre, de cet œil noir qui semble vous dévisager – ou vous jeter un sortilège – depuis le banc d’un jardin public, d’un cimetière, au bord d’une route de campagne. Difficile aussi de rester insensible aux dégâts commis dans les champs de céréales, de légumes, de melons. 

Mais essayons un instant d’oublier nos préjugés sur les corbeaux ; plus exactement les spécimens du genre Corvus, comprenant dans l’Hexagone le grand corbeau, le corbeau freux et la ­corneille. Car les dernières études scientifiques conduites sur ces animaux détestés montrent qu’ils sont le fruit d’une des plus sensationnelles trajectoires évolutives ; une histoire de conquête planétaire pas du tout sinistre, qui n’a pas grand-chose à envier à celle d’Homo sapiens.