Cette plante élève des bactéries
L’hypothèse est fascinante : la cardère sauvage, plante commune de nos bords de route, élèverait des bactéries pour en absorber l’azote grâce à de mystérieux filaments hyper-mobiles. Du jamais vu dans le monde végétal.
James Krupa est encore sous le charme de ces images. “J’ai adoré ce travail”, insiste ce spécialiste des plantes carnivores. Qui en connaissait pourtant déjà un rayon sur la plante en question : “Nous avons réalisé plusieurs expériences depuis 2008 afin de déterminer si elle était carnivore.”
Cette plante, c’est la cardère sauvage, dite parfois le “bonnetier sauvage”, en référence à ses capitules hérissés de piquants, semblables à de gros chardons, qui servaient autrefois de brosses pour carder la laine. Une plante banale sous nos latitudes – on voit souvent sa silhouette le long des talus autoroutiers ou des voies ferrées. “En Amérique du Nord, elle est considérée comme invasive”, évoque James Krupa. “Les rares études scientifiques de ces dernières années à son sujet visent à s’en débarrasser”, pointe d’ailleurs Antoine Vergne. Lequel a eu l’audace, pour son doctorat, de s’intéresser à cette plante largement dédaignée. Et il y a trouvé un véritable trésor, dissimulé au creux de ses longues feuilles dentelées, dans cette petite retenue où l’eau de pluie peut demeurer piégée pendant des semaines, comme autant de petits lacs en apesanteur : d’infimes filaments, parfois longs d’un millimètre, capables d’apparaître puis de disparaître en quelques secondes.
“Pour une plante, c’est d’une rapidité stupéfiante. Je n’ai jamais vu ça de ma vie”, s’émerveille Jean-Claude Caissard, de l’université de Saint-Étienne, qui a participé à la découverte… “On les voit très légèrement onduler, comme s’ils étaient en attente, prêts à se saisir de quelque chose”, décrit Éric Giraud, de l’université de Montpellier, lui aussi de la partie.