Magnétisme, le maître caché de l’Univers
Il est partout, invisible, il souffle les vents galactiques, façonne les galaxies, apaise les trous noirs… Et aujourd’hui, on commence enfin à le voir.
Mia de los Reyes n’a pas pu s’empêcher de faire la blague. En juin dernier, au congrès de l’American Astronomical Society, grand raout mondial des sciences de l’Univers, la chercheuse du Caltech commence son exposé en lançant sur un ton ironique : “Et les champs magnétiques ?” C’est la question classique de fin de conférence. Celle qui déclenche inévitablement des sourires gênés et des revers de main. Car au fond, les astrophysiciens ont toujours su qu’un démiurge invisible agit en sous-main partout dans le cosmos. Sur Terre, au plus profond du Soleil comme à sa surface, ils ont déjà pris la mesure des pouvoirs de cette force fondamentale de l’Univers : là où il y a des charges électriques, des champs magnétiques se déploient ; inversement, là où il y a des particules chargées, le champ magnétique insuffle un mouvement, trace des lignes qui dirigent irrésistiblement la matière.
Mais jusqu’ici, cette puissance restait occulte. Trop difficile à observer, trop complexe théoriquement, trop gourmande en capacités de calcul pour être correctement simulée, elle était mise de côté “par une sorte d’autocensure”, observe Bruno Albertazzi, qui étudie l’émergence de ces champs en laboratoire, à l’École polytechnique. Ce tabou est en train d’être levé, annonce Mia de los Reyes dans son exposé : “Pendant très longtemps, honnêtement, nous ne savions pas grand-chose des champs magnétiques. Mais cela commence à changer. Même dans des systèmes complexes comme les galaxies.” “Une nouvelle fenêtre vient de s’ouvrir”, s’enthousiasme Enrique Lopez-Rodriguez, astronome à l’université Stanford, qui mène des observations grâce à l’instrument HAWC+. Embarqué sur l’avion Sofia de la Nasa, cet instrument est capable de dresser des cartes du champ magnétique à partir de la polarisation de la lumière infrarouge émise par les poussières spatiales.