"L’écoanxiété n’est pas un trouble de la santé mentale"
Les dernières études le montrent : une vague d’écoanxiété déferle sur les jeunes et menace leur santé mentale. Une nouvelle forme de dépression ? Pas du tout répond la pédopsychiatre et sociologue Laelia Benoit.
Epsiloon : Selon vous, l’anxiété climatique ne doit pas être considérée comme une pathologie ?
Laelia Benoit : Non, l’écoanxiété est une réaction émotionnelle saine à une situation réellement préoccupante. Ce qui ne serait pas sain, ce serait de le vivre bien. Et c’est ce qui explique qu’elle soit si fréquente. Le problème est global, collectif, mondial. Or, on tente de le résoudre en proposant des solutions individuelles. Il faut dire que les chercheurs en psychologie et en psychiatrie ont été formés à une épistémologie individualiste et entraînés à proposer des thérapies et des médicaments personnalisés…
E. : Quelles sont les conséquences de ces prises en charge individuelles ?
L.B. : Il y a trois effets pervers évidents. Le premier est de culpabiliser les gens en pathologisant des émotions saines et ordinaires liées à une empathie pour le vivant, et de leur donner l’impression que c’est une défaillance personnelle ou une fragilité excessive. Le deuxième effet pervers est de ne pas remettre en question le système. Pendant ce temps, on ne parle pas des corporations, de la géopolitique, de nos choix électoraux… Le troisième effet, alimenté par les professionnels de la santé mentale, est de consacrer beaucoup de ressources, d’énergie et d’argent à chercher dans la mauvaise direction. Psychiatres et psychologues créent un nouveau champ de travail et d’expertise sur la base d’idées fausses, mais qui leur apporte une nouvelle clientèle…