Dans le dispensaire des fourmis
Elles diagnostiquent, traitent, amputent, se confinent. Oui, pour sauver leurs malades et leurs blessés, les fourmis ont développé des stratégies de soins personnalisées hypersophistiquées. Les entomologistes vont de surprise en surprise.
“Laisser les autres mourir ne fait pas partie de la stratégie des fourmis.” L’entomologiste Erik Frank, qui dirige aujourd’hui son propre laboratoire à l’université de Würzburg, en Allemagne, sait de quoi il parle : depuis ses débuts de chercheur, en 2014, il traque les comportements de soins chez les fourmis. “Jusqu’alors, la perspective était toujours que l’individu n’était rien ou pas grand-chose dans une colonie de fourmis ; et qu’il valait mieux produire de nouvelles ouvrières et ignorer celles qui étaient blessées. Mais nous avons trop longtemps ignoré la valeur de la réparation, des soins, et donc de l’individu dans ces sociétés.”
Bien sûr, nous connaissons les fourmis pour leur organisation sociale à toute épreuve, signe déjà d’une hygiène acharnée : elles se nettoient, compartimentent leurs fourmilières, elles ont des cimetières, et même des toilettes… Mais les travaux publiés au cours de l’année passée dévoilent une autre dimension cruciale : elles soignent, de façon incroyablement élaborée. Elles déploient des stratégies plus sophistiquées les unes que les autres pour guérir les blessures, prévenir et endiguer les maladies. “Les fourmis démontrent de nouvelles facettes extraordinaires en matière de soin de leurs congénères”, acquiesce Nathalie Stroeymeyt, spécialiste des fourmis à l’université de Bristol. Et voilà les fourmilières qui se muent, au besoin, en hôpitaux de fortune.