
"Beaucoup de conjectures mathématiques sont fausses"
En mathématiques, les problèmes les plus emblématiques prennent souvent la forme d’affirmations que l’on pense vraies, sans jamais les démontrer. Et si elles étaient tout simplement fausses, interroge Igor Pak, spécialiste des mathématiques discrètes à l’université de Californie.
Epsiloon : Selon vous, mathématiciennes et mathématiciens devraient avoir moins confiance dans la véracité de leurs conjectures ?
Igor Pak : Oui. Pour essayer de comprendre les objets mathématiques, on formule des énoncés qu’on pense être exacts même si l’on n’arrive pas à les démontrer. C’est notre méthode de travail, cela nous aide à orienter nos recherches. Il n’en demeure pas mois qu’une fois une conjecture formulée, il existe bien deux cas de figure possibles : soit elle est vraie, soit elle est fausse. Or je pense que nous avons trop tendance à oublier cette seconde possibilité.
Epsiloon : Pourtant les spécialistes se fondent souvent sur des démonstrations partielles, qui semblent pouvoir donner confiance dans ces conjectures.
Igor Pak : De nombreux énoncés sont vrais dans des cas particuliers, mais faux dans le cas général. Quand on n’arrive pas à aborder une conjecture dans sa globalité, il est naturel de vérifier si elle est valide dans certains cas précis, plus faciles à traiter. On le voit beaucoup dans mon domaine de recherche, la combinatoire : les chercheuses et les chercheurs testent d’abord les conjectures sur des structures avec peu d’éléments. Mais ces cas particuliers enseignent peu de choses sur le cas général. Et s’il n’y a pas une raison fondamentale pour que tous les cas se comportent à l’identique, alors il existera un contre-exemple. Et un seul contre-exemple suffit à invalider une conjecture.