L’IA fait revivre les génies

“Monsieur Turing, qu’en pensez-vous ?” Le 12 mars dernier, à Saint-Malo, alors que le grand congrès international annuel consacré à la réalité virtuelle touche à sa fin, une dernière table ronde démarre au Palais du Grand Large. Le thème : “Où nous mèneront l’IA et la réalité étendue ?” Autrement dit la réalité virtuelle, augmentée et mixte. Les lumières s’éteignent, la salle plonge dans le silence et, surprise, les projecteurs se braquent sur des fauteuils vides. Six chercheuses et chercheurs parmi des grands pontes du domaine apparaissent sur un écran géant à travers leurs avatars – Sylvia Pan, de Londres, Frank Steinicke, de Hambourg, Masahiko Inami, de Tokyo, Mel Slater, de Barcelone, Rachel McDonnell, de Dublin et Victoria Interrante, du Minnesota. Plus un invité d’honneur : Alan Turing, le célèbre mathématicien, père de l’informatique et de l’intelligence artificielle, mort il y a soixante-dix ans.

Très vite, le débat est lancé par avatars interposés. Les chercheurs discutent de réalité virtuelle, d’éthique, d’usurpation d’identité, Turing intervient, parfois pertinent, mais le plus souvent ayant du mal à suivre : il ne répond pas, ou au contraire se met à couper la parole. Il montre aussi beaucoup ses dents, agite frénétiquement les doigts. Blancs gênants, éclats de rire dans le public… Le Turing ressuscité provoque un certain trouble, dont témoignent les spécialistes eux-mêmes qui, une fois libérés de leur avatar, rejoignent la salle.

Il faut dire que cette démonstration est probablement l’une des premières dans le monde à faire revivre un scientifique sous la forme d’un avatar capable de discuter en temps réel avec plusieurs personnes à la fois, dans un débat non pré-enregistré.