
La marche des arbres
Oui, face au réchauffement, les forêts du monde entier ont entamé une grande migration planétaire. Vont-elles assez vite ? Réussiront-elles à atteindre des zones plus clémentes ? Une partie du destin du monde se joue dans cet exode hors norme.
Il y a vingt ans, aucune graine ne parvenait à germer sur ces surfaces gelées du nord de la Russie, ou des confins du Canada, de l’Alaska, de la Scandinavie, de la Chine. Puis une pousse s’est installée, puis deux, puis des centaines… Peu à peu, des troncs se sont dressés, ils ont tenu. Les arbres sont venus grignoter la toundra, la ligne de la forêt froide s’est déplacée et les feuillus se sont invités au milieu des conifères de la forêt boréale. Face à l’intensité du changement climatique, c’est bien l’option choisie par de nombreuses espèces du vivant qui fuient en direction des pôles, vers la fraîcheur de latitudes plus clémentes. Et les arbres, tout immobiles soient-ils, font partie du voyage.
Partout dans le monde, on constate leur marche. Ce n’est pas la première fois. “Après la dernière glaciation, il y a 15 000 ans, le climat s’est lentement réchauffé et les arbres ont entamé une grande migration. Les chênes se sont déplacés dans tout le nord de l’Europe à une vitesse sidérante : des centaines de mètres par an. Aujourd’hui, de nouveau, le changement climatique bouleverse les écosystèmes forestiers, résume Antoine Kremer, généticien des populations à l’Inrae et à l’université de Bordeaux. Oui, une nouvelle migration a commencé.”
Partout dans le monde, les écologues scrutent cette grande marche des arbres, spectateurs inquiets d’un phénomène planétaire. Cette fois, contrairement à il y a 15 000 ans, le mouvement apparaît désordonné, sporadique, imprévisible. Et bien plus lent…