Sexualité : est-elle en train de changer ?

C’est vrai que les statistiques sont impressionnantes. Début 2024, l’institut de sondage IFOP enregistrait un recul sans précédent de l’activité sexuelle des Français et des Françaises. La proportion des 2 000 personnes interrogées – âgées de 18 à 69 ans – déclarant avoir eu un rapport sexuel au cours des douze derniers mois n’avait jamais été aussi faible en cinquante ans : 76 % en moyenne, soit une baisse de 15 points depuis 2006. Plus intrigant encore – et particulièrement repris par les médias – cette montée de l’inactivité sexuelle concernait surtout les jeunes adultes : plus d’un quart des 18-24 ans initiés sexuellement (28 %) admettaient ne pas avoir eu de rapport sexuel depuis un an, soit cinq fois plus qu’en 2006. Même chose de l’autre côté de l’Atlantique : une étude de l’université de Chicago indique qu’en 2021, 30 % des hommes et 25 % des femmes de la fameuse “génération Z”, âgés de 18 à 25 ans, n’avaient pas eu de relations sexuelles durant l’année écoulée. De quoi décrire une génération moins intéressée par ce qui a trait au sexe, de près ou de loin…

Attention à ne pas faire parler les chiffres trop vite, réagissent les spécialistes. “Cette notion de récession sexuelle est un terme écran qui s’est diffusé mais qui ne permet pas du tout de comprendre ce qui se passe, tranche Marie Bergström, sociologue à l’INED, l’Institut national d’études démographiques, et directrice de l’ouvrage La Sexualité qui vient. Jeunesse et relations intimes après #MeToo, publié en mars dernier. Il n’y a aucun désintérêt pour le sexe.” Pour autant, il se passe bien quelque chose, et c’est ce que la chercheuse et une vingtaine de collègues ont voulu explorer en lançant leur ambitieuse étude ENVIE 2023. “Nous avions la conviction que cette nouvelle génération de jeunes adultes, à l’âge des expérimentations, opérait des transformations particulièrement importantes dans la sexualité et la vie intime”, rapporte-t-elle…