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Le nouveau montre du Pacifique
Les scientifiques ont vu surgir en mai une énorme masse rouge au large des côtes américaines. Dont la température n’a cessé de s’élever jusqu’à plus de 3°C. Le Pacifique brûle. Et l’anomalie semble bien s’installer.
“Regardez, là, une large bande rouge foncé, écarlate, c’est assez énorme ce qui se passe”, témoigne devant ses modèles Romain Bourdallé-Badie, du service de prévisions océaniques à Mercator Ocean International. “J’avais vu en mai dernier une bulle de chaleur apparaître dans le golfe d’Alaska, puis rapidement prendre une taille comparable à celle des États-Unis”, confie Thomas Frölicher, à l’université de Berne, principal auteur du prochain rapport du GIEC sur la modélisation des océans. En réalité, c’est maintenant presque tout le Pacifique Nord qui brûle depuis cet été, tel un incendie sous-marin qui flamberait entre l’Asie et l’Amérique. Un phénomène que les scientifiques chinois, japonais, coréens et américains scrutent anxieusement avec leurs satellites, leurs bouées et leurs supercalculateurs – même si la NOAA, la très puissante agence océanographique américaine ne se porte pas au mieux, et ne communique plus sur le sujet, pressions de la Maison Blanche obligent. Tous ces chercheurs sont tétanisés à l’idée de voir rejaillir le monstre, la bête que les océanographes du monde entier redoutent désormais : le blob.
Le blob ? Certains d’entre vous auront peut-être saisi la référence au film d’horreur américain culte de 1958, avec Steve McQueen ; The Blob (en VF : Danger planétaire) raconte l’histoire d’une créature informe et gélatineuse qui débarque sur Terre et envahit tout. Le mot a été repris par les biologistes pour désigner un étrange organisme des sous-bois doué de capacités d’adaptation et d’apprentissage hors norme. Mais pour les océanologues, le blob désigne la canicule marine extrême qui a persisté pendant deux longues années au large de la côte ouest de l’Amérique – c’était entre 2014 et 2016. Nicholas Bond, climatologue à l’université de Washington, qui a eu l’idée d’utiliser le terme “blob”, se souvient : “J’avais repéré début 2014 des eaux de surface beaucoup, beaucoup plus chaudes que la normale, c’était choquant.”